Saint Paul : L'Épître à Philemon
 


1. Paul, prisonnier du Christ Jésus, et le frère Timothée, à Philémon, notre cher collaborateur,
2. avec Apphia notre sœur, Archippe notre frère d'armes, et l'Église qui s'assemble dans ta maison.
3. A vous grâce et paix de par Dieu notre Père et le Seigneur Jésus Christ !
4. Je rends sans cesse grâces à mon Dieu en faisant mémoire de toi dans mes prières,
5. car j'entends louer ta charité et la foi qui t'anime, tant à l'égard du Seigneur Jésus qu'au bénéfice de tous les saints.
6. Puisse cette foi rendre agissant son esprit d'entraide en t'éclairant pleinement sur tout le bien qu'il est en notre pouvoir d'accomplir pour le Christ.
7. De fait, j'ai eu grande joie et consolation en apprenant ta charité : on me dit, frère, que tu as soulagé le cœur des saints !
8. C'est pourquoi, bien que j'aie dans le Christ tout le franc-parler nécessaire pour te prescrire ton devoir,
9. je préfère invoquer la charité et te présenter une requête. Celui qui va parler, c'est Paul, le vieux Paul et, qui plus est, maintenant le prisonnier du Christ Jésus.
10. La requête est pour mon enfant, que j'ai engendré dans les chaînes, cet Onésime,
11. qui jadis ne te fut guère utile, mais qui désormais te sera bien utile, comme il l'est devenu pour moi.
12. Je te le renvoie, et lui, c'est comme mon propre cœur.
13. Je désirais le retenir près de moi, pour qu'il me servît en ton nom dans ces chaînes que me vaut l'Évangile ;
14. cependant je n'ai rien voulu faire sans ton assentiment, pour que ce bienfait ne parût pas t'être imposé, mais qu'il vînt de ton bon gré.
15. Peut-être aussi Onésime ne t'a-t-il été retiré pour un temps qu'afin de t'être rendu pour l'éternité,
16. non plus comme un esclave, mais bien mieux qu'un esclave, comme un frère très cher : il l'est grandement pour moi, combien plus va-t-il l'être pour toi, et selon le monde et selon le Seigneur !
17. Si donc tu as égard aux liens qui nous unissent, reçois-le comme si c'était moi.
18. Et s'il t'a fait du tort ou te doit quelque chose, mets cela sur mon compte.
19. Moi, Paul, je m'y engage de ma propre écriture : c'est moi qui réglerai... Pour ne rien dire de la dette qui t'oblige toujours à mon endroit, et qui est toi-même !
20. Allons, frère, j'attends de toi ce service dans le Seigneur ; soulage mon cœur dans le Christ.
21. Je t'écris avec pleine confiance en ta docilité : je sais bien que tu feras plus encore que je ne demande.
22. Avec cela, prépare-moi un gîte ; j'espère en effet que, grâce à vos prières, je vais vous être rendu.
23. Tu as les salutations d'Épaphras, mon compagnon de captivité dans le Christ Jésus,
24. ainsi que de Marc, Aristarque, Démas et Luc, mes collaborateurs.
25. Que la grâce du Seigneur Jésus Christ soit avec votre esprit !





La présentation

L’Épître à Philémon se présente comme une lettre de circonstances écrite par Saint Paul alors en captivité « Celui qui va parler, c'est Paul, le vieux Paul et, qui plus est, maintenant le prisonnier du Christ Jésus. » (Verset 9). Paul est accompagné du frère Timothée dont Paul dit en Ph 2, 20 : « Je n'ai vraiment personne qui saura comme lui s'intéresser d'un cœur sincère à votre situation. ». Paul choisit de nommer Timothée pour appuyer sa demande et obtenir plus facilement satisfaction.

Dans la salutation, il fait tout d'abord mention de celui à qui la lettre s’adresse « à Philémon, notre cher collaborateur » (verset 1b), puis aux personnes qui sont saluées « avec Apphia notre sœur, Archippe notre frère d'armes, et l'Église qui s'assemble dans ta maison. » (Verset 2).

Les destinataires de cette lettre sont donc au nombre de 4 :
Tout d’abord Philémon, l’homme est directement concerné par cette lettre. Il en est le principal destinataire. Il s’agit d’un citoyen de Colosses (le nom de Philémon est attesté en Phrygie où se trouve la ville de Colosses) suffisamment riche pour posséder des esclaves et une maison capable d’accueillir la communauté chrétienne de sa cité (Verset 2). Paul s’adresse à lui en premier lieu car il a une affaire à traiter avec lui, en lui assignant le titre de « Cher collaborateur » qui fait penser que celui-ci tient une grande part au sein de l’Église à laquelle il appartient.
Ensuite vient le nom d’Appia qui est une sœur, donc une femme et peut-être la femme de Philémon (Verset 2), Puis Archippe qui pourrait être leur fils (Verset 2) que Paul désigne comme un compagnon de combat, ce qui laisse entendre qu’Archippe a fait partie pour un temps d’une des nombreuses équipes qui ont accompagné Paul dans ses voyages missionnaires. Son nom se trouve dans la lettre que Paul adressera aux Colossiens où il lui fait dire de prendre bien garde au ministère qu’il a reçu dans le Seigneur (Col 4,17).
Et en 4ème lieu, Paul s’adresse à l’Église qui s’assemble dans la maison de Philémon. Il fait mention d'eux afin de les disposer à l'écouter favorablement.

Paul commence sa lettre par « A vous grâce et paix de par Dieu notre Père et le Seigneur Jésus Christ ! » (verset 3) qui est une formulation que l’on retrouve à de nombreuses reprises dans les lettres de Paul : (Éphésiens 1, 2), (2 Corinthiens 1, 2) (Galates 1, 3) (Philippiens 1, 2) (Colossiens 1, 2) (Romains 1, 7) (2 Thessaloniciens 1, 2) en guise d’introduction et qui atteste - s’il le faut - que cette lettre à Philémon fait bien partie du corpus des épîtres attribuées à Saint Paul.

D’autant que Paul termine sa lettre par une salutation : d'abord de la part des autres, et ensuite, de sa part, par une phrase « Que la grâce du Seigneur Jésus Christ soit avec votre esprit ! » (Verset 25) commune à plusieurs autres de ses lettres, notamment (Philippiens 4, 23), (2 Timothée 4, 22), (2 Corinthiens 13, 14), (Galates 6, 18).
Il cite « Épaphras, mon compagnon de captivité dans le Christ Jésus » (Verset 23) dont Paul dit en col 4,12 : « Ce serviteur du Christ Jésus ne cesse de lutter pour vous dans ses prières, afin que vous teniez ferme, parfaits et bien établis dans tous les vouloirs divins. » mais également deux évangélistes (Marc et Luc) ainsi qu’Aristarque de Thessalonique qui le suivit dans son 3ème voyage missionnaire, et Démas avant que celui-ci n’abandonne l’Apôtre.

Si Paul destine sa lettre à autant de personnes différentes, c’est qu’en tant que chrétien ayant une responsabilité particulière devant Dieu (puisque c’est dans sa maison que se réunissait l’Église) la réponse qu’allait donner Philémon dans l’affaire que Paul voulait traiter avec lui dépassait le cadre privé qui la concernait au départ. En ajoutant ses compagnons à sa signature, Saint Paul donne un tel poids à la lettre qu’il est pratiquement assuré que sa requête ne sera pas rejetée.
L’épître à Philémon est étroitement liée à l’épître aux Colossiens. On retrouve en effet les mêmes personnes (Épaphras, Aristarque, Démas, Marc et Luc) dans les salutations des deux épîtres : de plus un Onésime est mentionné, avec Tychique, comme porteur de la lettre aux Colossiens « Je lui adjoins Onésime, le fidèle et bien-aimé frère, qui est de chez vous. » (Col 4, 9).
 

 


À l'intérieur du contexte historique

Au premier siècle de notre ère et au sein de l’Empire romain, l’esclavage est l’une des données incontournables de la réalité socioculturelle. Il n’est donc pas étonnant que, dans ses épîtres, Paul fasse allusion à la pratique de l’esclavage à plusieurs reprises, et ses lettres montrent qu’il y avait de nombreux esclaves parmi les membres des communautés auxquelles il s’adresse. Mais précisons tout d’abord en quoi consiste l’esclavage du temps de Paul : l’esclave était une possession. Les droits du propriétaire de l’esclave étaient absolus, couvrant aussi bien la personne que le travail. L’esclave était sans parenté, dépouillé de son ancienne identité sociale. Le maître avait un pouvoir absolu sur son esclave, même celui du droit de vie ou de mort. Ici il est question de la manière dont les seigneurs temporels doivent se comporter vis-à-vis de leurs serviteurs, ainsi que de l'attitude que doit avoir un serviteur fidèle à l'égard de son maître.

C’est à propos d’un esclave que Paul s’adresse à Philémon dans une lettre. Celui-ci lui propose relativement explicitement de l’affranchir et de reprendre cet homme « non plus comme un esclave » (Verset 16a) mais comme « un frère très cher » (verset 16b). Toutefois, Paul ne s’oppose pas réellement ici au concept de l’esclavagisme puisqu’il souligne qu’Onésime sera rendu à son maître « selon le monde » (verset 16b), donc en tant qu’esclave, mais souligne-t-il juste après : « selon le Seigneur », c’est-à-dire dans la liberté de l’Église qui dans Christ ne fait plus de différence entre esclaves et hommes libres (cf. : Galates 28-29) : car tous ne font qu’un dans le Christ Jésus.

Paul considère Onésime comme son fils spirituel « La requête est pour mon enfant, que j'ai engendré dans les chaînes » (Verset 10) et tente d’interférer auprès de son maître pour qu’il ne lui arrive rien, même pas la punition que sans doute il mérite : « Et s'il t'a fait du tort ou te doit quelque chose, mets cela sur mon compte » (Verset 18).
Onésime s’est enfuit de chez son maître qu’il n’a donc pas servi comme il le devait « qui jadis ne te fut guère utile » (Verset 11a) et, dans sa fuite rencontre Paul qui est incarcéré. Celui-ci va amener l’esclave à la foi et qui désormais, en tant qu’homme soumis à Dieu, sera bien utile à Philémon (Verset 11b). C’est-à-dire qu’il le servira comme il se doit mais peut-être plus en tant qu’esclave mais en tant qu’homme libre au service de l’Église que Philémon reçoit dans sa maison, comme le fait allusion Paul au verset 16 : « mais bien mieux qu'un esclave ». Pareil serviteur doit donc être considéré par son maître comme un ami, sur le plan des sentiments, puisque Paul en tant qu’ami de Philémon dit : « et lui, c'est comme mon propre cœur » (Verset 12).
Jusqu’où Paul est-il prêt à s’engager en tant que père spirituel d’Onésime pour le soutenir dans sa démarche auprès de Philémon ? Ce que Christ a fait pour lui, Paul le fait pour son frère en foi. Il intercède pour lui auprès de son maître par tous les moyens en son pouvoir, se met à la place de l’esclave comme si lui-même avait péché « c'est moi qui réglerai » (Verset 19). Paul imite, auprès de Philémon et en faveur d’Onésime, ce que Christ a fait en notre faveur auprès de Dieu.

Car cette lettre a seulement les apparences de la correspondance privée. Elle vise effectivement à régler un cas personnel mais l’adresse s’étend jusqu’à la communauté qui s’assemble chez Philémon : l’une des Églises dont Épaphras est le fondateur. « Épaphras, mon compagnon de captivité dans le Christ Jésus » (Verset 23), peut-être Paul en profite-t-il pour annoncer à la communauté chrétienne de Colosses qu’Épaphras est également enchaîné tout comme lui « prisonnier du Christ Jésus » (verset 1).

Paul s’est convertit au christianisme après avoir vu Jésus dans une vision. Investit de la mission de convertir à son tour, il transmettra sa connaissance de Jésus aux peuples de diverses cultures et va effectuer de nombreuses conversions à travers le monde antique, révélant son savoir du Christ et accomplissant des miracles par ses mains. Durant son apostolat, il va à maintes reprises se retrouver en prison « dans ces chaînes que me vaut l'Évangile » précise-t-il au verset 13. C’est donc tout naturellement, même en incarcération, qu’il convertira Onésime au christianisme. Après avoir ouvert l’esclave à la foi Paul voulait le garder auprès de lui (verset 13a) pour qu’il le serve au nom de Philémon (verset 13b), endetté auprès de lui (verset 19b) d’avoir été initié en Christ (ce qu’il sous entend lorsqu’il dit : « et qui est toi-même » (verset 13 c)) et qu’il continue d’initier en lui disant : « Puisse cette foi rendre agissant son esprit d’entraide en t’éclairant pleinement sur le bien qu’il est en notre pouvoir d’accomplir pour le Christ » (Verset 6). Et il va plus loin en disant au verset 22 « Prépare-moi un gite » qui sous-tend que Philémon pourra le cas échéant héberger sous son toit, en se comportant tel un hôte envers un ami, cet esclave qui désormais est un chrétien comme lui, le temps que Paul soit libéré. Paul rappelle ainsi à Philémon mais également à l’Église qu’il reçoit chez lui (sans doute la communauté chrétienne de Colosses) le devoir de charité de tout chrétien envers tout homme - fut-t-il esclave - et qui a été retiré à son maître un temps afin de lui être rendu pour l’éternité (verset 15), c’est-à-dire qui désormais appartient au Christ et peut donc avoir les mêmes espérances.




La stratégie de Paul

Paul est prisonnier à cause de son activité apostolique « prisonnier du Christ Jésus » (Verset 1) « dans ces chaînes que me vaut l’Évangile » (Verset 13). Les conditions de sa captivité sont relativement souples, puisque disciples et collaborateurs ont libre accès auprès de lui (Versets 23-24). Dans la lettre adressée à Philémon il se présente de la manière suivante : « Celui qui va parler, c’est Paul, le vieux Paul » (Verset 9). L’allusion qu’il fait à son âge a un double rôle : d’abord celui de montrer son expérience qui est un atout considérable étant entendu que Philémon est plus jeune que lui et qu’il lui doit donc une certaine forme de respect, ensuite parce qu’il donne plus de poids à sa requête. Peut-on refuser quelque chose à un vieillard en captivité qui plus est envers lequel on a contracté une dette « humaine » ? (Verset 19b). Cependant Paul préfère au rapport d’obligation celui de l’affection spirituelle qui l’unit à son disciple : « Si donc tu as égard aux liens qui nous unissent » (Verset 17a). Et il ajoute « Moi Paul je m’y engage de ma propre écriture » qui veut dire qu’il s’investit pleinement dans cette requête tout en tentant de soutirer à Philémon une réponse positive à sa demande en assénant « Je t’écris avec pleine confiance en ta docilité » qui ne permet pas à Philémon de se dérober, lui qui lui vaut d’être désormais ce qu’il est (Verset 19b) : un chrétien plein de foi et de charité (Verset 5a).
Quoique Paul dise au verset 14 : « Pour que ce bienfait ne parût pas t’être imposé, mais qu’il vient de ton bon gré », il utilise tout de même plus loin une tournure forte pour dire que Philémon lui doit quelque chose : « La dette qui t’oblige toujours à mon endroit » (Verset 19). Avec cette assurance, Paul ne commande pas, mais il adresse une supplique, renforçant celle-ci de considérations personnelles : « J’ai eu de grandes joies en apprenant ta charité ». Paul, ici comme ailleurs, ne doute pas de son autorité légitime, et a dans le Christ plein droit de prescrire (verset 8), tant à Philémon, qu’aux communautés chrétiennes, les devoirs que lui dicte sa conscience apostolique. Ce droit lui vient de Dieu avec l’Évangile qu’il a pour mission de communiquer (Gal 1, 11-12 ; Rom 1, 1-5 ; Rom 15, 15-16).

Et il répond à la question que l'on aurait pu lui poser : s'il t'est utile, pourquoi ne le gardes-tu pas jusqu'à la mort ? C'est pourquoi il explique le motif pour lequel il envoie Onésime. Il montre d'abord son intention de le garder auprès de lui (Verset 13a) et ensuite il explique pourquoi il a abandonné ce projet : « Mais je n'ai rien voulu faire sans ton assentiment » (Verset 14) car Paul n’a pas voulu user du bien d'autrui, lorsque celui-ci n'en était pas informé. Il dit d’une certaine manière : si je l'avais gardé, tu n'aurais pas voulu t'y opposer, et ce serait d'une certaine manière te forcer. Et ainsi, je n'ai pas voulu le conserver mais, bien plus, j'ai voulu que cela se fasse volontairement de ta part.

Qu’espérait Paul en écrivant ce mot à l’adresse de Philémon ? D’après ses propres paroles, il comptait bien que, grâce à ses recommandations et au nouvel état d’Onésime, Philémon le recevrait « non plus comme un esclave, mais bien mieux qu’un esclave, comme un frère très cher » (verset 16). Paul espère-t-il davantage ? Lorsqu'il dit ensuite : « Allons frère j’attends de toi ce service » (Verset 20) il exhorte Philémon a exercé sa charité louée au verset 7, en ajoutant cependant « Mets cela sur mon compte » (Verset 18) car il est dit dans le Deutéronome : « Tu ne livreras pas à son maître l'esclave qui se sera réfugié auprès de toi (Dt 23, 16). C’est pourquoi il ajoute : « Soulage mon cœur dans le Christ » (verset 20).

Afin de convaincre Philémon, Paul met en œuvre une stratégie rhétorique subtile : Une épître publique alors qu’il demande à Philémon un service personnel, Paul salue dans son adresse Apphia, Archippe et toute l’Église. Soit Paul fait discrètement pression sur Philémon en rendant sa requête publique, soit il entend faire de « l’affaire Onésime » une sorte de cas d’école pour les relations entre chrétiens, et donc susceptible d’étendre son influence à d’autres cas similaires et à d’autres églises.




Ce que Paul cherche à obtenir

Paul a défini la liberté : Elle est, par la grâce de Dieu en Christ, possibilité de réaliser l’homme nouveau, « Or, le Seigneur c'est l'Esprit ; et là où est l'Esprit du Seigneur, là est la liberté. » (2 Corinthiens 3, 17). C’est donc en toute liberté, « avec tout le franc-parler nécessaire » (Verset 8a) que Paul prescrit à Philémon son devoir (Verset 8b) qui est de recevoir Onésime comme si c’était lui (Verset 17), et rajoute (Verset 20a) : « J’attends de toi ce service dans le Seigneur ». C’est donc en faveur d’un homme désormais libre que Paul plaide la cause. Un homme qui dans le Christ s’est libéré de ses chaînes et qui est devenu « un frère très cher » (Verset 16). Et il entend que Philémon reprenne auprès de lui cet homme libre, « son enfant » (Verset 10) par le Saint-Esprit que celui-ci lui a révélé. Bien mieux qu’un esclave (Verset 16a) il deviendra pour Philémon, comme pour Paul, un frère. Paul ajoute verset 16b : « Il l’est grandement pour moi, combien plus va-t-il l’être pour toi », offrant Onésime à Philémon tel un présent : un homme nouveau en Christ qui le servira bien plus que lorsqu’il était simple esclave.
Si Paul n’attaque pas l’institution de l’esclavage, de manière directe, par cette lettre il demande à mi-mots la délivrance d’Onésime, tant dans son statut d’esclave que pour la dette que celui-ci a contracté auprès de son maître. Et Paul sous-tend que Philémon comprendra son ordre en disant : « Je sais bien que tu feras plus encore que je ne demande ». (Verset 21). Cet être d’une autre race que Philémon en tant que maître pouvait d’un mot, faire battre et mourir, étant devenu son frère, il devra l’accueillir dans sa maison, lui qui saura se rendre utile maintenant qu’il vit dans la foi.
Après avoir exposé sa confiance quant à la bonté de Philémon, l'Apôtre place ici sa requête. Il commence par démontrer quelle personne Onésime est devenue et les raisons pour laquelle il l'adresse et il l'achève par ces mots : « Reçois-le. » (Verset 17).
Au sujet de la première de ces deux choses, en décrivant la personne, il montre pour commencer qu'il l'a reçue par une génération spirituelle, par un changement de mœurs en second lieu.
Quel est le but de la lettre de Paul ? Pour Onésime elle a valeur de témoignage auprès de son ancien maître qu’il sait avoir déçu et trompé. Nul autre que Paul n’était mieux placé et ne pouvait avoir plus de poids auprès de Philémon pour amorcer le retour en grâce de l’esclave fugitif auprès du maître lésé (Versets 10-12). Paul a pu d’ailleurs d’autant plus s’empresser d’écrire une telle lettre qu’il sait combien est précieuse l’aide d’un chrétien plus expérimenté pour introduire un nouveau converti au passé douteux dans une assemblée qui l’a connu auparavant : (cf. Actes 9, 26- 28 : « Arrivé à Jérusalem, il essayait de se joindre aux disciples, mais tous en avaient peur, ne croyant pas qu'il fût vraiment disciple. Alors Barnabé le prit avec lui, l'amena aux apôtres et leur raconta comment, sur le chemin, Saul avait vu le Seigneur, qui lui avait parlé, et avec quelle assurance il avait prêché à Damas au nom de Jésus. Dès lors il allait et venait avec eux dans Jérusalem, prêchant avec assurance au nom du Seigneur. »)
La lettre de Paul à Philémon est donc un messager de bonne nouvelle destiné à faciliter le rétablissement d’Onésime auprès de son maître.

Mais ce n’est pas tout. La lettre de Paul à Philémon aborde aussi, de façon indirecte, une question qui, tout au long de l’histoire de l’Église, n’a cessé de poser problème, à savoir sur quelles bases une Église pouvait décider de l’intégration d’une nouvelle personne en son sein en tant que frère : (1 Cor 5, 11 ; 2 Tim 2, 19 ; Mat 7, 23) ou de la réintégration d’un frère ayant douloureusement chuté et s’étant par la suite repenti (2 Cor 2, 6-7). La réponse que semble donner Paul ici est que la confiance ne peut être rétablie que si la personne concernée ait fait preuve d’une authentique repentance et que des frères solides et fiables dans la foi peuvent en attester.
C’est aussi la lettre d’un ami à l’un de ses amis. Philémon est pour Paul quelqu’un sur lequel on peut compter dans le besoin (Verset 5). Il sait que Philémon lui fera confiance et il a lui-même confiance en l’obéissance déjà maintes fois prouvée de Philémon, sachant qu’il ira même au-delà de son attente. Paul pense que s’il lui demande quelque chose, il le fera, non pas dans l’attitude de quelqu’un qui obéit par obligation ou par devoir, mais dans celle de celui qui cherche toujours à faire pour le mieux ce qu’on lui demande, sachant que Paul a conscience que personne ne peut être forcé à la réconciliation et au pardon : ce sont des actes personnels et volontaires.
Outre l’amitié, quels liens unissent Paul à Philémon ? Par l’allusion de Paul au verset 19, Philémon s’est converti au travers du ministère de l’apôtre. Il est devenu ensuite un chrétien cher au cœur de celui-ci par les multiples engagements et services qu’il a rendu à l’œuvre de Dieu en général et à l’Église locale dont il faisait partie en particulier.
Aussi Paul s'engage à donner satisfaction pour le dommage causé. Il dit donc : « S'il t'a fait du tort ou s’il te doit quelque chose » (Verset 18a), à savoir en quittant son service, « Mets cela sur mon compte ». C'est comme s'il disait : je te rembourserai.
Il promet donc d’une part de payer la dette et d’autre part il montre que c'est lui-même qui est débiteur, non par nécessité, mais volontairement.
En quelque sorte, Paul fait entendre à Philémon que si celui-ci accède à sa demande, lui-même sera remboursé de sa dette envers Paul.

Paul ne veut pas donner d’ordre à Philémon. Il le prie au nom de l’amour du Christ, de l’amitié et de l’estime qui existent entre les deux hommes. Ce qui fait que Paul préfère régler cette affaire de façon cordiale plutôt que « légale » (ce qui obligerait Paul à user de l’argument de l’autorité). Aux versets 13 et 14 : Paul dit qu’il aurait souhaité garder Onésime pour que, dans sa situation, il le serve comme Philémon l’aurait lui-même fait (il ne doute pas un seul instant du fait que si Philémon se trouvait avec lui dans la circonstance dans laquelle il se trouve, il pourrait compter sur lui). Mais, puisqu’il sait que le premier qui a des droits légaux sur l’esclave Onésime est Philémon, c’est lui qu’il veut laisser librement s’exprimer, convaincu cependant qu’il ira dans son sens.
Tout en affirmant laisser Philémon libre de son choix (Verset 8), l’apôtre présente divers arguments pour le convaincre de recevoir Onésime sans le punir.
En 2 Cor 5, 16-17, Paul dit : « Ainsi donc, désormais nous ne connaissons personne selon la chair. Même si nous avons connu le Christ selon la chair, maintenant ce n'est plus ainsi que nous le connaissons. Si donc quelqu'un est dans le Christ, c'est une création nouvelle : l'être ancien a disparu, un être nouveau est là. », ainsi dans les relations nouvelles entre Philémon et Onésime il soulève la question de la rédemption : les croyants qui se connaissaient au temps où ils étaient incroyants, ne sont plus les mêmes. Ils sont donc appelés à se redécouvrir et à se connaître à nouveau, l’opinion que chacun s’était fait de l’autre devant être complètement revue à la lumière de la vie nouvelle reçue. Et les personnes de différentes classes dans l’Église doivent être totalement abolies dans l’appréciation de la valeur des frères : car en Christ : « il n'y a ni Juif ni Grec, il n'y a ni esclave ni homme libre, il n'y a ni homme ni femme ; car tous vous ne faites qu'un dans le Christ Jésus. » (Gal 3, 28).

Dans cette lettre, Paul argumente en direction de Philémon en faisant appel à sa charité d’homme libre puis à sa conscience de chrétien qui doit accueillir un nouveau frère. Il nous montre ainsi, dans sa façon d’agir pour résoudre un conflit et réconcilier deux personnes qui étaient brouillées par la faute de l’une d’entre elles, qu’un tel sujet est un enseignement valable pour tout homme dans tous les temps.
Cette lettre est un exemple de charité chrétienne. Celui de l’amour que Paul veut faire prévaloir dans sa démarche envers Philémon, mais également envers Onésime et de la nouvelle vie dans laquelle l’esclave est entré avec Christ. Ce qui était inutile, voir nuisible autrefois, est transformé pour devenir utile.
Et Paul termine sa lettre par une nouvelle demande : « J’espère en effet que, grâce à vos prières, je vais vous être rendu ». Il rappelle ainsi le rôle de la prière qui incombe à tout homme qui a la foi et se sert à nouveau de la « tribune » qui est la sienne lorsqu’il s’adresse aux Églises dans ses correspondances, qu’elles soient publiques ou privées, pour continuer autant que possible, même prisonnier, son évangélisation.

 

 

Murdarco

Saint Paul : L'Épître à Philémon
Tag(s) : #NOUVEAU TESTAMENT, #ÉTUDES DE TEXTES

Partager cet article

Repost0


compteur